Jeu de miroir ou jeu de mémoire, une mémoire subversive, examinatrice, observatrice qui te saisit et te demande de l'exhumer du bien fond de toi. Elle demande à être libérée et être libre, elle réclame une part de lumière .Elle te nargue, te saoule, te pousse dans tes derniers retranchements. Elle est la gardienne de tes mots et tes maux, peut –être ? Elle joue à ce jeu de te faire miroiter à travers des miroirs, quoique invisibles les tréfonds de tes méandres, elle se perd dans les dédales de tes peurs.
Souvenirs de mots, souvenirs de chants d’une voix de ténor qui te transportent dans un mouvement où l’oubli est au rendez-vous. L’oubli dis-tu ? Non, juste une illusion qui te happe qui se présente tel un mirage, une bouée « de bout » de sauvetage, un leurre bien trompeur ! La mémoire n’oublie jamais : des images frôlent ton cerveau endormi et le réveillent par le biais d’un parfum, d’une image…..Des espèces d’électrodes qui t’électrisent et secouent tout ton être, comme des appels lancinants qui ébranlent ta mémoire pour lui rappeler jusqu’au moindre détails ses faiblesses , ses failles…. ?
Laisse toi envahir par ces sensations que tu sembles oublier et que ta peau s’en remémore avec exactitude, n’oublie point que la peau a une mémoire……….Ton teint , à la fois des îles et d’ailleurs, se rappelle de cette couleur café que tu aimes bien, enfin, même si tu sembles lui donner une appartenance autre……
La mémoire a un charme dévastateur dis tu ? Elle vient …. Et voilà que ton réveil sonne pour la seconde fois te rappelant le quotidien. Par la fenêtre de ta chambre, tu regardes sans te lasser ce paysage tout blanc, il est un peu différent aujourd’hui aux premières lueurs de l’aube, il te paraît comme irréel , comme si tu continues à le voir à travers ta mémoire qui le reconnaît par cœur .Il t’arrive même de le dessiner tel un peintre avec une palette de couleurs et que des fois tu sembles te dire : en tant que peintre il faut le blanc contraste avec une autre couleur pour créer un univers…..tu cherches tes mots non ? Ah oui, tu voulais dire un univers « homérique ». Non, oublies un peu la tragédie, concentre toi sur ta toile….Un pinceau à la main, tu aimais bien, cette partie de la journée où tu es tout seul dans ton monde à toi : tu disais que tu ne t’ennuyais jamais et pourtant tu te cloisonnais dans une sorte de solitude que tu appréciais ! Pourtant la solitude, c’est de se sentir un peu seul dans le monde, bref, un peu dans « son monde à soi » …………..
Au contraire des autres, tu aimais bien t’isoler dans ton atelier à longueur de journée sans que le silence ne vienne te déranger, tu n’entendais aucun son, sauf celui de ton pinceau qui flirtait avec ta toile, tu adores ce son là : la plus belle musique que tu as écouté depuis que tu t’es mise un jour à redessiner par hasard……
Est-ce un hasard que te vouloir reconstruire le monde sur des toiles, ou cherches-tu à être rassurer en recréant ton monde, et à recréer tes couleurs ? Ah , je me rappelle nos longues discussions sur la notion des couleurs, la symbolique des couleurs….Bizarrement, une couleur revenait dans tes toiles, une couleur toute légère, à peine perceptible à travers des petites tâches ici et là….Un bleu tout pâle qui repeint ces notes , ces espaces un peu bleu dans le ciel…..Tu disais vouloir être un peintre impressionniste….peut-être pour impressionner…Mais non, tes toiles étaient un tumulte de courants picturaux , tu n’appartiens à aucune école ,encore moins à un courant tout dépend de ton humeur du moment…
Est-ce un hasard que tu t’es mis à redessiner ? Ou adores-tu comme tu dis le doux son de ton pinceau qui touche ta toile ? Ta toile, une liesse de sentiments aux sons de musique catalane, baroque, univers que tu crées à chacune de tes expositions où tu t’exposes aussi : tu ne voulais pas, tu t’entêtais à garder tes toiles pour toi en disant que c’étaient les tiennes, et que dans chacune d’entre elles, tu as laissé une part de toi. Tu disais exposer : c’est comme mettre à nu son âme devant un public. Cela me surprenait venant de toi : je t’ai toujours connu comme quelqu’un qui adore le contact avec le public, la prise de parole ne t’a jamais paru comme un exercice difficile, au contraire. Tu semblais adorer les feux de la rampe, tu semblais t’épanouir au fil de tes expositions et voilà qu’aujourd’hui tu m’assommes en disant que tu laisses quelque chose de toi.
Je remonte au temps où tu paraissais insouciant moins accaparé, moins acariâtre par ton analyse auquel tu soumets ton monde actuel, ou tu aurais fuit le froid de la neige pour aller te loger et te lover dans la chaleur d’une mer d’ailleurs, où le soleil et le sable sont au rendez-vous. Ta mémoire retient-elle ces instants là : tu courrais pieds nus sur la grève … Ta mémoire reste t-elle muette à cette évocation ?...Ta mémoire te poursuit et te rattrape : elle s’oublie, mais n’oublie rien, elle fait des efforts pour se reconnaître.
Lynn